L’Education nationale manque de tout
Bienvenu-es en France en novembre 2025 : l’Assemblée Nationale vote une loi sur proposition du Rassemblement National, rejette la proposition de loi sur la taxe Zucman qui aurait permis de faire contribuer les ultra-riches et de permettre à la France une politique fiscale un peu plus efficace et équitable. Mais rassurons-nous, nous avons pour la 7e fois en 3 ans un nouveau ministre de l’éducation. Edouard Geffray, directeur des enseignements scolaires depuis 2019 et soutien actif à l’éducation à la défense et au lien école-armée : nous lui devons la mise en place du plan national de formation « éducation à la défense » en 2023 en partenariat avec le ministère des armées, le développement des classes défenses, des classes à enjeux maritimes et des lycées engagés avec coloration « défense et mémoire » avec ouverture sur le SNU jusqu’à l’année dernière, ou encore la découverte des métiers de la défense dès le collège. Ce ministre qui joue aux petits soldats est à mille lieues des enjeux réels auxquels est confrontée l’école publique.
Il est en cela en adéquation avec les autres membres du Gouvernement, comme Amélie de Montchalin qui a déclaré : «Nous avons besoin de plus de militaires, de plus de policiers et de gendarmes, mais moins de professeurs ». Pourtant, l’Éducation nationale manque de tout : d’enseignant·es et d’AESH, de personnels de vie scolaire mais également d’infirmières scolaires, d’assistantes sociales ou encore d’agent·es administratifs, de moyens budgétaires l
Alors que plus de 10 000 emplois ont été supprimés depuis 2017 avec des effectifs en augmentation, la baisse démographique devient l’argument imparable permettant de justifier la politique d’austérité que le gouvernement veut nous imposer.
Cette baisse démographique doit au contraire nous permettre de mettre fin aux absences non remplacées, aux cours non assurés qui sont encore la norme dans la scolarité des élèves de la maternelle au lycée, à réduire les effectifs par classe, à baisser la charge de travail des personnels, à redonner du sens à nos missions et de l’attractivité à nos métiers.
Le manque de moyens se fait aussi ressentir dans la mise en place des dispositifs PHare ainsi que des séances prévues par le programme EVARS. Ces actions se font à moyens constants, sans recrutement, sans décharge de service, et même dans un contexte de baisse des IMP et des HSE dont bénéficient les établissements. Loin des grandes annonces, la lutte contre le harcèlement scolaire et l’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité reposent en grande partie sur la bonne volonté et l’accroissement de la charge de travail des personnels. Ce n’est pas tenable et cela ne permet pas de mener de manière pérenne la lutte contre le harcèlement scolaire et les violences sexuelles. Au delà de l’affichage, nous exigeons les moyens de protéger nos élèves des différentes violences auxquelles ils et elles sont massivement exposé·es, comme l’a encore démontré l’étude récente menée par le centre Hubertine Auclerc.
La mise en place du programme de l’EVARS est d’autant plus difficile que les associations formées et compétentes sur ces questions ont de plus en plus de mal à intervenir dans les écoles et établissement scolaires, faute de subventions suffisantes et de partenariats renouvelés. Alors que la formation des personnels censé·es assurer l’EVARS s’amorce à peine, nous aurions d’autant plus besoin de l’appui des interventions du Planning familial et du CIDFF entre autres, qui ont démontré depuis longtemps la qualité de leur travail en milieu scolaire.
Faute de garanties budgétaires, les établissements scolaires sont également en difficulté pour construire des projets culturels. Les incertitudes qui pèsent depuis un an sur le budget du pass culture sont un frein indéniable à l’organisation de sorties culturelles et d’interventions culturelles en milieu scolaire, de même que la baisse des subventions culturelles par les collectivités locales. Ces projets culturel sont pourtant indispensables à l’éducation et à la démocratisation de l’accès à la culture. Le coup de rabot annoncé dans le budget du pass culture pour 2026 ne va pas dans le bon sens.
La vague de chaleur des mois de mai-juin 2025 a encore une fois mis en évidence l’inadaptation du bâti scolaire face à ces vagues de chaleur. Le plan de réhabilitation de 40 000 écoles et établissements, annoncé en septembre 2023 par le président de la République semble avoir été sacrifié sur l’autel de la rigueur budgétaire. De nombreuses collectivités locales, à commencer par les petites communes, n’ont pas les moyens de financer la rénovation d’un parc scolaire vieillissant et parfois vétuste. Notre organisation syndicale rappelle que notre employeur est dans l’obligation d’évaluer notre exposition au risque thermique (en cas d’alerte jaune Météo France) et qu’il est soumis à une obligation de résultats dans la protection des travailleur ses (en cas d’alerte orange ou rouge). Nous ne pouvons plus nous contenter de mesures prises dans l’urgence et d’appel au « pragmatisme » et à la « souplesse ». SUD éducation exige des investissements durables et une réelle prise en compte des conditions de travail des personnels et d’étude des élèves face aux défis du changement climatique. Il est temps de mettre la santé et la sécurité des travailleur·ses et des élèves au centre des préoccupations !
Ainsi le service public d’éducation est toujours plus en plus en difficulté pour assurer ses missions, et notamment pour accompagner les élèves qui en ont le plus besoin.
Les élèves les plus fragiles sont les premiers touchés par cette politique de restriction budgétaire. En cette rentrée 2025 un manque crucial d’AESH se fait sentir, nombre d’entre elles et eux sont déjà en arrêt maladie en raison de leurs conditions de travail. Dans l’académie des disparités fortes sont observables entre les PIALS et ceux-ci sont parfois dans une situation critique, rendant impossible l’accompagnement même partiel des élèves notifiés. Nous pouvons déjà être sûr·es que de nombreuses fiches RSST continueront de pointer le manque de moyens de l’école inclusive, comme c’est le cas depuis des années et comme on le constate encore depuis le mois septembre. Nous le redisons : il n’est plus acceptable que les AESH soient maintenues dans une situation de précarité. Pour être à la hauteur de son ambition d’une école inclusive pour tous et toutes, l’Éducation Nationale doit entamer un recrutement massif et rendre attractif le métier d’AESH en augmentant les salaires, en abaissant la quotité horaire d’un temps plein à 24h hebdomadaires et en leur offrant un réel statut dans la fonction publique. La dégradation des conditions de travail est telle que les commissions consultatives paritaires sont régulièrement saisies pour des licenciement pour inaptitudes.
Les personnels et les usagers n’acceptent plus cette situation. Rien que sur le département de l’Hérault, plusieurs mobilisations sont en cours regroupant parents, AESH, enseignants, personnels de vie scolaire : collège de Poussan, des Escholiers de la Mosson, d’Arthur Rimbaud, de Fontcarrade à Montpellier, le collège Jules Ferry à Montagnac, Louis Germain à Saint Jean de Védas, les parents de l’école Léo Mallet à Montpellier. Nous soutenons les parents d’élèves qui se mobilisent pour faire valoir leurs droits, et les personnels qui défendent un service public d’éducation réellement inclusif.
Le mouvement social amorcé le 10 septembre, avec les journées d’actions nationales des 18 septembre et 2 octobre se poursuit donc dans nos établissements.
SUD éducation sera présent aux côtés des personnels qui refusent cette politique d’austérité.
SUD éducation appelle les personnels à poursuivre ces mobilisations, à s’organiser et à rejoindre les journées d’actions locales et nationales.
Enfin, nous souhaitons rappeler que nous avons entamé cette année scolaire avec en nous l’immense peine d’apprendre qu’une collègue s’était donnée la mort. Caroline Grandjean a été harcelée par des homophobes pour ce qu’elle était : une femme lesbienne. Au-delà des postures de notre institution dans la lutte contre les discriminations, nous constatons que notre collègue n’a pas été protégée. On lui a maintes fois intimé l’ordre de se taire et de s’en aller face à ses agresseurs, jusqu’à punir la médiatisation de l’affaire. Les autorités de l’État, mairie et Éducation Nationale, portent une responsabilité dans sa mort. Cette fois, aucun hommage national n’a été rendu. Nous avons dû ravaler notre peine et reprendre le travail sans aucune commémoration.
Pour conclure, nous souhaitons exprimer notre stupeur et notre colère suite à l’action de fonctionnaires de police au collège Fontcarrade de Montpellier ce vendredi 7 novembre.
Présents à l’occasion d’un exercice intrusion, des policiers se sont permis d’isoler un groupe de garçons en salle de permanence et de procéder sur eux à une palpation, sans qu’aucune suspicion de danger n’ait motivé ce choix. Cet incident est inacceptable, profondément révoltant, et démontre une fois de plus que la police n’a rien à faire dans les établissements scolaires.
