Pour une perspective féministe dans les luttes de l’éducation

Texte adopté au consensus au congrès départemental des 30 et 31 mai 2024

Constat

Le secteur de l’éducation est largement féminisé : 70 % des travailleur-ses de l’Éducation nationale sont des femmes. Il s’agit d’une moyenne à observer de plus près : plus les élèves sont âgé-es, moins iels sont en réalité encadré-es par des femmes.

Quelques chiffres :

  • Premier degré : 80 % de professeuses des écoles
  • Second degré : 60 % d’enseignantes dans le 2d degré
  • ESR : 40 % d’enseignantes-chercheuses titulaires

De plus, lorsqu’il s’agit d’accompagner les élèves en situation de handicap, cette mission revient de manière écrasante aux femmes : elles représentent 97 % des AESH.

Dans l’Éducation nationale, comme ailleurs, les femmes ont un salaire inférieur à celui des hommes malgré les grilles de rémunération identiques. De plus, le corps de métier qui subit des temps partiels imposés – et donc la précarité – est celui des AESH, massivement féminisé. Tout cela entraîne aussi des pensions de retraite moindres pour les femmes.

Dans l’Éducation nationale, comme ailleurs, les femmes se heurtent au plafond de verre. Dans les écoles primaires, la majorité des directeur-rices sont des directeurs alors qu’ils sont largement minoritaires parmi les professeur-ses des écoles. Au niveau des universités, seules 20 % sont présidées par des femmes.

Dans l’Éducation nationale, comme ailleurs, les femmes sont victimes de violences sexistes et sexuelles au travail : cela concerne environ 30 % des travailleuses au cours de leur carrière et seules 5 % d’entre elles portent plainte. Ces violences sont largement tues et leurs auteurs très peu sanctionnés, que ce soit dans l’Éducation nationale ou dans la société.

Dans les écoles et établissements, les élèves filles, les étudiantes et les minorités de genre subissent les conséquences des stéréotypes de genre et une inégalité de traitement par rapport aux élèves garçons et aux étudiants. Les élèves filles prennent moins la parole et occupent moins d’espace, on salue plus souvent leurs efforts et le soin apporté à leur travail que leurs compétences, elles sont moins bien accompagnées durant leur scolarité et leur orientation, etc.

Analyse

Les chiffres du taux de féminisation dans l’Éducation nationale nous rappellent que les rôles sont encore très genrés et les femmes pour la plupart cantonnées à un nombre de métiers limité. Les stéréotypes de genre sont puissamment à l’œuvre et on peut en observer les répercussions dans les choix d’orientation des élèves et étudiant-es, mais aussi dans les choix des métiers au sein de l’Éducation nationale. Aux femmes, la charge des enfants, surtout les plus petit-es, et des élèves en situation de handicap : c’est-à-dire qu’on considère encore que les femmes seraient davantage aptes au soin et à l’éducation des enfants que les hommes, lesquels formeraient plutôt les lycéen-nes et les étudiant-es.

Si les femmes représentent l’essentiel des personnels à temps partiels (de droit ou sur autorisation), si elles prennent moins d’heures supplémentaires et acceptent moins de missions annexes, c’est parce que la charge mentale du foyer et les tâches domestiques et éducatives reposent encore très largement sur elles, qu’elles soient en couple hétérosexuel ou parent isolé. C’est aussi un des freins pour l’accès aux postes à responsabilités mieux rémunérés. Par conséquent, les inégalités de salaire puis de pension au sein des couples hétérosexuels entraînent une dépendance financière de nombreuses femmes vis-à-vis de leur conjoint tout au long de leur carrière et de leur vie.

Les violences sexistes et sexuelles au travail perdurent dans l’Éducation nationale du fait de l’omerta sur ces questions de la part de l’administration, mais aussi à cause de la culture du viol présente dans toute la société. Aujourd’hui encore, les femmes qui dénoncent ces violences sont mal écoutées et peu crues. Trop souvent la gravité des faits est minorée, voire ignorée et les agresseurs demeurent impunis quand ce ne sont pas les victimes qui subissent des conséquences négatives sur leur carrière après leur dénonciation. Ce système permet la perpétuation des violences et la réduction au silence des victimes.

Perspectives

  • Il est nécessaire de s’adresser spécifiquement aux personnels en tant que personnes opprimés en raison de leur genre, qu’il s’agisse de femmes ou de minorités de genre. Il nous faut produire régulièrement du matériel spécifique et apporter à chacune de nos productions un regard féministe en mettant en lumière les inégalités salariales et la précarité, les violences sexistes et sexuelles au travail, la santé, etc.
  • Il est urgent de s’engager, en tant que personnels de l’éducation, au quotidien, sur nos lieux de travail, dans la lutte contre les stéréotypes de genre, mais aussi les discriminations et les violences sexistes et sexuelles au travail : dans nos salles des personnels par la déconstruction des discours sexistes et la dénonciation des violences, dans nos salles de classe par une pédagogie antisexiste et un enseignement soutenu de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle.
  • Dans un secteur féminisé à 70 %, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail et les discriminations comme le sexisme et les LGBTQIA+phobies doit être une priorité. Il est vital de nous informer et de nous former à l’accompagnement des victimes de violences sexistes et sexuelles au travail.
  • Il nous faut soutenir les luttes féministes locales et mener un travail régulier avec les associations de terrain et/ou collectifs féministes et LGBTQIA+ locaux, à travers l’intersyndicale éducation et interprofessionnelle. Nous devons être à l’initiative de revendications spécifiques aux femmes et aux minorités de genre au sein de l’intersyndicale éducation et interprofessionnelle. Dans cette perspective, nous assistons régulièrement aux formations féministes de notre fédération et de notre union syndicale et participons activement aux travaux de la commission Antisexisme, droits des femmes et des personnes LGBTQIA+ de SUD éducation, de la commission Femmes de Solidaires et de celle de Solidaires 30.